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23/12/2014

Merry Christmas



Bonjour tout le monde! Etes-vous prêts pour Noël? Est-ce que vous trouvez que les catalogues de jouets arrivent de plus en plus tôt dans les boîtes aux lettres et que ça a bien assez duré, ou êtes-vous impatients de vivre cette fête si particulière?

En Grande-Bretagne, Noël est plus qu'une tradition, c'est carrément un mode de vie pendant au moins tout le mois de décembre. Mais les festivités commencent très très tôt, et pas seulement via les catalogues de jouets. D'ailleurs je n'ai pas reçu de catalogue cette année, mais il y avait plein d'autres indices...

Christmas Shopping

Les produits de Noël ont fait leur apparition en rayon... Que je me souvienne... Oui c'est ça, avant Halloween! Les deux fêtes se sont même retrouvées fugitivement à se côtoyer dans les grandes surfaces. Ca veut dire environ mi-octobre.
Quand je dis produits de Noël, je veux dire les premiers chocolats et gâteaux. Oui parce qu'en France on a les papillotes et les chocolats en forme de Père Noël qui sont vraiment spécifiques à la saison, mais en Grande-Bretagne ils ont en plus des gâteaux vraiment bien particuliers.

Christmas pudding
L'un d'entre eux est le "Christmas pudding", élément immanquable de tout repas de Noël qui se respecte. C'est un genre de cake aux fruits secs dont la pâte est gorgée d'alcool - en général du Brandy. Traditionnellement, le gâteau est préparé au début de l'Avent et "nourri" (arrosé d'alcool) pendant les 4 à 5 semaines menant à Noël pour qu'il soit bien moelleux (mais aussi bien alcoolisé) au moment des fêtes. Du coup on peut le faire flamber, et c'est joli!

Christmas pudding flambéed


Sinon, il y a aussi les "Christmas cakes", qui permettent aux créatifs de s'en donner à coeur joie. En effet, ces gâteaux aux fruits et à la pâte d'amande sont la plupart du temps recouverts d'un glaçage très élaboré, donnant lieu à des créations avec décors et personnages en pâte à sucre. Voyez plutôt:






En tant que Française, je ne me retrouve pas trop dans l'idée de ces gâteaux qui ne montrent pas ce qu'il y a dedans mais se cachent entièrement dans un glaçage si lisse qu'on se demande si on est en train de manger la boîte. Toutefois, il faut reconnaître que ces gâteaux sont en général de vraies petites oeuvres d'art qui font un bel effet sur la table décorée. 

En plus, comme ils sont virtuellement impérissables, ils sont en rayon dès la mi-octobre, ce qui vous plonge dans l'esprit de Noël de très bonne heure.

Christmas music

En France, si vous voulez vous mettre dans l'ambiance de Noël, trouver de la musique n'est pas si simple: soit vous partez sur l'option "Minuit Chrétien" "Les Anges dans nos campagnes" et tous les cantiques religieux, soit si vous voulez du profane vous vous retrouvez vite en tête à tête avec Tino Rossi et son "Petit Papa Noël".
Inconvénients: très peu de choix.
Avantages: c'est tellement démodé que ça ne passe pas à la radio!

"Carolers" traditionnels (popularisés par Dickens)

En Grande-Bretagne, en revanche, il y a  des tonnes et des tonnes de chansons profanes, d'origine britannique et américaine. Entre les traditionnels "Christmas Carols" et les créations plus ou moins modernes, plus ou moins réussies, et les reprises de tout poil, il y a  des heures de musique sans évoquer une seule fois le petit Jésus.
Moi par exemple, j'étais contente au début, genre fin novembre, parce que justement "il y a le choix", et puis bien sûr Noël c'est la crèche et les santons, mais j'aime bien aussi les histoires de traineau dans la neige et de rennes au nez rouge, c'est du folklore, c'est mignon, et puis pour mon premier Noël à l'étranger, "ça change".
Oui mais voilà. Même avec des heures de musique, si vous partez du principe que les titres sont diffusés à la radio, dans les grandes surfaces, les restaurants, et, depuis la semaine dernière, par le poste branché dans un coin du bureau au boulot, en fait vous faites le tour assez vite, surtout que tous ces endroits semblent avoir acheté le même CD 12 titres...
Mais bon, oui, il y a infiniment plus de choix de musique ici qu'en France, et même si je suis en légère overdose juste là maintenant, en fait j'aime bien le fait que tout le monde soit "au diapason", même si c'est parfois un peu forcé. Au bureau, comme je disais, on a commencé à mettre de la musique la semaine dernière, et les collègues se mettent à chanter (quand le téléphone ne sonne pas). Ca fait des jours avant Noël un moment où il se passe quelque chose de différent, et je trouve ça bien.

Christmas on TV

Noël, ça passe aussi par beaucoup de marketing, évidemment. Quand approche le mois de novembre, les grandes marques dégainent leur "pub de Noël", qui a en général vocation à faire verser une larmichette et a créer de la sympathie pour  la marque en question.

La première à avoir fait le buzz cette année a été la pub pour John Lewis avec Monty le pingouin :

Mis en ligne le 6 novembre... 

Contrairement à ce que je croyais, cette pub n'est pas là pour encourager à donner à une association pour "donner à quelqu'un le Noël dont il a rêvé" comme ils disent à la fin. Non, c'est juste une pub qui dit qu'ici on vend des choses qui font rêver.
J'ai entendu dire que la peluche de Monty était vendue £90. Mais pour avoir visité un magasin John Lewis deux semaines après la pub, je peux dire que j'ai vu tout un tas de produits dérivés (boîtes de bonbons, pyjamas, bottes de pluie etc) mais pas de peluche, donc je ne sais pas si c'est vrai.

L'autre pub qui a fait parler d'elle c'est celle de Sainsbury. Je vous laisse regarder et vous faire une opinion :




Moi je la trouve extrêmement touchante cette pub. Mais il faut dire que j'ai vu et aimé le film Joyeux Noël qui ne parle pas d'autre chose. Je sais donc que ce type d'évènements a vraiment eu lieu et que ce n'est pas une invention de Sainsbury pour faire pleurer dans les chaumières.
Certaines personnes ont critiqué Sainsbury pour avoir utilisé l'image de la guerre et des soldats vraiment morts dans un vrai conflit pour faire parler de ses produits (la tablette de chocolat a été vendue en magasin). Mais dans le contexte du 100ème anniversaire du début de la 1ère guerre mondiale (la vidéo a été mise en ligne le 12 novembre donc exactement au moment des commémorations), on peut voir ça soit comme une couche supplémentaire dans l'exploitation de l'évènement, soit comme un rappel qu'il y a 100 ans, des hommes qui faisaient vraiment la guerre se sont arrêtés le jour de Noël, parce que Noël c'est spécial et "c'est fait pour partager" comme le conclut le film.
Je trouve qu'une marque qui dit "partager le peu que vous avez vous rendra heureux" a un meilleur message que celle qui dit "vous rêvez de quelque chose? nous l'avons en magasin!"

Mais pour moi, la plus réelles des pubs de Noël cette année est celle de Vodafone:


Lors d'un weekend en Ecosse en novembre, nous nous sommes arrêtés avec Ian et sa familles pour faire des courses dans un magasins de décos de Noël qui avait aussi un café à l'étage. Dans le magasin nous avons croisé les personnages de La Reine des Neiges et quelques fillettes aux yeux brillants - une visite presque aussi magique que celle du père Noël! La contrepartie à ces personnages déguisés, c'était la bande son du film de Disney qui tournait en boucle dans le magasin. Et tandis que nous prenions un café, les filles qui servaient derrière le comptoir se sont mises à chanter et danser sur la bande son, exactement comme dans cette pub! Quand nous l'avons vue quelques jours plus tard, on s'est dit que ce genre d'évènements avaient dû se produire un peu partout pour que ça finisse à la télé...

Christmas jumpers

Une des traditions de Noël, c'est le pull un peu kitsch et moche décoré sur le thème de Noël. Vous avez pu voir des exemplaires dans certains films britanniques, comme Le Journal de Bridget Jones.

Colin Firth dans Bridget Jones

A l'époque du film, le Christmas jumper avait encore un côté ridicule et réac, c'est pourquoi le malheureux Colin Firth, malgré sa bonne mine, passe pour un naze aux yeux de Bridget.

Mais cela a changé; les Britanniques ont désormais élevé le pull de Noël au rang des autres incontournables de la saison, au même titre que les choux de bruxelles avec la dinde (j'y reviendrai).
Comme l'explique cet article instructif, le pull de Noël a bénéficié de l'action de l'ONG "Save the Children" qui en 2012 a lancé une journée du pull de Noël pendant laquelle les gens portent leurs pulls de Noël et récoltent de l'argent pour la bonne cause. Et comme les Britanniques passent le mois de décembre à préparer Noël, à la maison comme au bureau, il ne leur fallait qu'une excuse pour porter un magnifique pull devant les collègues.

Du coup les pulls se multiplient, du super pas cher en synthétique jusqu'au vrai tricoté par mémé en laine de mérinos, pour que chacun y trouve son compte et puisse exprimer son esprit de Noël à sa façon.




Christmas dinner

Ah, le dîner de Noël! Le coeur de la saison! L'incontournable dinde!
Alors en France, traditionnellement c'est dinde aux marrons. En Grande-Bretagne, la dinde est au centre du repas, et l'autre élément parfaitement traditionnel et incontournable, c'est le choux de Bruxelles.

Le repas de Noël traditionnel

Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. Et apparemment ça ne fait pas plaisir à tout le monde. Mais on continue quand même. C'est la tradition.

"Les choux de Bruxelles c'est pour la vie, pas que pour Noël"

"Dites NON aux choux de Bruxelles ce Noël"
 A part les choux de bruxelles, à Noël il y a les petits boudins blancs enrobés de bacon (appelés "pigs in blankets" ou "cochons dans couvertures"), les pommes de terres grillées, les "mince pies" (tartes aux fruits et aux épices), la confiture de canneberge pour accompagner la viande, et de généreuses rasades de "gravy" (jus de viande) pour arroser tout ça dans l'assiette.

Pigs in blankets

Mince pies

Christmas everything

Il y aurait encore plein de choses à dire sur Noël: le nombre incroyable de cadeaux et de cartes échangés, le discours de la Reine, les spectacles dans les écoles, les soirées de Noël organisées par les entreprises, les crackers... Mais il y a trop de choses à dire pour un seul article, et il me reste encore plein de choses à découvrir  cette année. J'en saurai plus très bientôt!

Demain matin Ian et moi décollons pour l'Ecosse, où je vais vivre mon premier Noël Britannique! J'ai hâte :)

Passez tous un très bon Noël!




"J'aimerais que ce soit Noël tous les jours!" par les Wizzards. Sur les ondes 14 fois par jour en cette période festive...




23/11/2014

On the 11th hour of the 11th day

La semaine dernière, c'était le 11 novembre. Pour les Français, ce jour de commémoration est férié. Même si les radios-trottoires effectuées auprès des plus jeunes montrent qu'ils ne savent pas très bien ce qu'on fête ce jour-là, la vérité est qu'on fête l'Armistice qui mit fin à la 1ère Guerre Mondiale. 
En Grande-Bretagne, le 11 novembre n'est pas férié, pas plus que le 8 mai. Toutefois, d'une manière plus générale, le 11 novembre, ça s'appelle Remembrance Day, le Jour du Souvenir, et ça englobe tous les conflits qui ont eu lieu depuis 1914.

L'Armistice a été signée le 11 novembre 1918, avec prise d'effet "à la 11ème heure du 11ème jour du 11ème mois".
Un an plus tard, en 1919, à 11h, les témoins racontent que tout le monde s'est figé en Grande-Bretagne, pour se rappeler de ceux qui n'étaient plus là pour profiter de la paix retrouvée.
Depuis, cette journée est devenue la Journée du Souvenir. Les disparus des guerres suivantes sont commémorés ce même jour (ou plus précisément, le dimanche le plus proche du 11 novembre).

Cette année, la Journée du Souvenir a été d'autant plus marquée que la 1ère Guerre Mondiale a débuté il y a 100 ans. Des coquelicots, symboles de cette guerre, ont fleuri aux boutonnières dès la mi-octobre.

Poppies




Vous avez sans doute vu à la télé l'impressionnante marée de coquelicots dégoulinant de la Tour de Londres. Ces 888 246 fleurs en céramiques représentent chacune un soldat britannique tombé lors de la 1ère Guerre Mondiale.
Ces coquelicots ont une histoire. La première étincelle vient d'un poème écrit par John McRae, un soldat canadien, à l'occasion de la mort au champ d'honneur d'un de ses amis. Il aurait écrit ce poème juste après la mise en terre, en décrivant ce qu'il voyait: des coquelicots à perte de vue entre les rangées de tombes. Ce poème, intitulé "In Flanders Fields" (Dans les champs des Flandres) a très vite connu un très grand succès. C'est le poème de guerre le plus populaire dans les pays anglophones. Il a été traduit en Français par un poète québécois sous le titre "Au champs d'honneur".


Au champ d'honneur, les coquelicots
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix; et dans l'espace
Les alouettes devenues lasses
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers.

Nous sommes morts
Nous qui songions la veille encor'
À nos parents, à nos amis,
C'est nous qui reposons ici
Au champ d'honneur.

À vous jeunes désabusés
À vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon
Les coquelicots se faneront
Au champ d'honneur.


En 1918, inspirée par ce poème, Moina Michael en Amérique a décidé de porter un coquelicot en soie à sa boutonnière en souvenir des disparus. A son tour inspirée par Moina, c'est une Française, Mme Guérin, qui a eu l'idée de fabriquer cette petite fleur en papier. En 1921, elle envoya des vendeurs à Londres. Le Field Marshall Douglas Haig, fondateur de la Royal British Legion, l'adopta aussitôt. Le succès ne s'est jamais démenti.

Field Marshall Douglas Haig, considéré comme l'inventeur du Coquelicot du Souvenir

En France, c'est le bleuet qui est l'équivalent du coquelicot. Personnellement, je n'en ai jamais vu. Mais le bleuet n'a sans doute jamais bénéficié du même élan d'intérêt que le coquelicot.




En effet, le coquelicot, même s'il est présent surtout début novembre, apparait toute l'année, aux boutonnières, sur les voitures, et au pied des monuments aux morts fleuris par des associations, des vétérans et leurs familles.

Monument pour les Pompiers de Londres (Sept 2014)
Les associations de soutien aux anciens combattants sont très actives, et on voit à longueur d'année des symboles ou messages de soutien pour les combattants disparus.

Le coquelicot format voiture, à porter toute l'année
"Soutenez nos héros" - pour ne pas oublier ceux qui se battent en ce moment
La journée du souvenir en Grande-Bretagne n'est donc pas réservée aux guerres anciennes. Le fait de n'avoir gardé qu'une seule journée au lieu de séparer 1ère et 2nde Guerre Mondiale permet de faire de cette commémoration un journée de sensibilisation aux conflits passés et présents, aux soldats disparus d'hier et d'aujourd'hui mais aussi aux blessés, aux vétérans sans abris (il existe des associations spécifiques pour ces "héros dans la rue"), et aux soldats qui se battent en ce moment même.

Campagne Royal British Legion 2013

11 novembre


Ce 11 novembre a été particulier en raison du centenaire du début du conflit. L'installation de la Tour de Londres en est un exemple frappant. Chaque fleur pouvait être achetée par quelqu'un. Ces milliers de coquelicots ont attiré la foule, à tel point qu'il a été envisagé de conserver les coquelicots au-delà de la date prévue pour profiter de l'attraction touristique ainsi générée.
Mais dès le 12 novembre, les fleurs en céramique ont été retirées et envoyées à leurs nouveaux propriétaires.

Kate, William et Harry au milieu du "Blood Swept Lands and Seas of Red"
(Andrew Parsons/i-images/Polaris)

Ce qui n'a pas changé, ce sont les deux minutes de silence observées à 11h pile le 11 novembre. C'était par contre nouveau pour moi. Heureusement, nous avions reçu un email le jour même pour nous prévenir que nous observions cette habitude au bureau.


Bonjour tout le monde, 
Juste pour vous rappeler que comme d'habitude nous observerons les deux minutes de silence en l'honneur de l'Armistice et de toutes les personnes impliquées dans toutes nos guerres. 
Cette année a d'autant plus importance qu'il s'agit des 100 ans du début de la 1ère Guerre Mondiale.
Merci de votre soutien.





A 11h, tout le bureau s'est tu. Un client qui appelait à ce moment-là s'est entendu répondre "Je vous mets en attente, nous commençons nos deux minutes de silence". Un commercial dans le bureau d'à côté était en grande conversation, mais a fini par se rendre compte que quelque chose clochait. Il a bafouillé une excuse à son correspondant et a raccroché. A part ça, quelques bruits de clavier. On est tous restés assis - je m'attendais un peu à ce qu'on se lève, histoire de marquer le début et la fin du temps, mais non. A deux minutes, le bruit a repris. Les téléphones se sont aussi remis à sonner - comme quoi on n'était pas les seuls à avoir observé ces deux minutes de silence.
Les écoles, la majorité des entreprises, bien sûr les personnes présentes aux cérémonies officielles en Grande-Bretagne et tout les pays du Commonwealth se sont toutes figées à 11h ce jour-là, comme tous les ans depuis le 11 novembre 1919.

Personnellement, j'ai trouvé ces deux minutes beaucoup plus émouvantes et marquantes qu'un jour férié lors duquel on ne prend pas forcément le temps de se rappeler ce qu'on commémore. C'était vraiment très inhabituel pour la Française que je suis.

Les débats


J'ai aussi appris qu'il y avait quelques débats autour de ce symbole.
Certains trouvent que, particulièrement dans les médias, c'est à celui qui le dégainera le premier pour prouver son attachement aux traditions, son patriotisme ou son soutien aux troupes.

D'autre part, des célébrités se sont fait épingler pour avoir porté des version "de luxe" du coquelicot. Un bijoutier a en effet créé des modèles plus originaux et travaillés, piquetés de cristaux ou de perles, et vendus 60£, mais dont seulement 15% du prix de vente revient aux associations d'ancien combattants.
Quel est alors le sens de ce geste? Faut-il porter le coquelicot comme preuve de l'argent versé à l'association, ou bien pour se joindre au mouvement collectif de mémoire?

Broches créées par Kleshna

Enfin, le fait de célébrer les soldats d'hier avec ceux d'aujourd'hui fait dire à certains que porter le coquelicot est synonyme de militarisme. En appelant tous les soldats morts "héros", ne fait-on pas l'apologie de la guerre en général? C'est pourquoi certains préfèrent porter le coquelicot blanc, "pour promouvoir une culture de paix" ou "pour se souvenir des victimes".









Mais dans toute la variété des raisons pour laquelle les Britanniques portent - ou pas - le coquelicot au mois de novembre, il y a au moins la preuve que c'est un événement qui touche les gens et qui fait réfléchir.
En France, le 11 novembre est, depuis 2012, un jour de commémoration de tous les morts pour la France. Est-ce qu'on va aussi se diriger doucement vers une situation similaire à celle de la Grande Bretagne? Ou est-ce qu'il y aura de moins en moins de monde au défilé de novembre et de mai?

Il n'est pas facile de copier-coller des sentiments nationaux d'une culture à l'autre. En 2014, le Bleuet de France a repris des couleurs pour les 80 ans de l'association éponyme. Il est désormais fabriqué en France et ne cache pas sa référence à son cousin britannique. Peut-on espérer qu'il devienne un symbole aussi populaire qu'Outre-Manche? Ou bien est-il trop tard, près de 100 ans après, pour réveiller la ferveur des Français, qui ne sont pas très à l'aise avec l'idée même de patriotisme?



Les Français ne sont peut-être pas très bons en commémoration, mais ils ont sans doute trouvé leur propre façon de "ne pas oublier".



24/09/2014

Scotland, UK

Bonjour!

Désolée de n'avoir pas posté depuis longtemps. Maintenant que la rentrée est là, je vais essayer de me rattraper.

Aujourd'hui, je voudrais aborder un sujet d'actualité: le récent référendum qui a confirmé que l'Ecosse fait toujours partie du Royaume Uni. C'est un débat qui a fait couler beaucoup d'encre et qui me touche d'assez près puisque Ian est écossais. Il avait donc sur la question un peu plus qu'une simple opinion d'observateur.

Essayons de faire un petit tour d'horizon.

Sondage instantané dans les boulangeries: achetez le cupcake de vos convictions!

La question


"Est-ce que l'Ecosse devrait être un Etat indépendant?"

Voilà comment la question a été posée.
Certains ont reproché à David Cameron, Premier Ministre britannique, d'avoir autorisé cette formulation.
En effet, elle propulse directement les partisans de la rupture en progressistes qui disent Oui. Cela leur permet d'avoir un message très positif sans effort.





En retour, ceux qui veulent rester britanniques doivent dire "non", et ça ne passe pas aussi bien. Même si leur message a été rapidement transformé en "Better Together" (mieux ensemble), il faut quand même faire campagne pour refuser quelque chose.
Du coup, leurs logos et banderoles disaient en fait "non merci", pour atténuer la brutalité du message.




Les enjeux


Quels étaient les arguments des deux camps pour promouvoir ou refuser l'indépendance de l'Ecosse?

Culture

Les Ecossais sont un peuple à part, avec une forte identité culturelle. Pour comparer à la France, pensez Bretons ou Corses. Leurs batailles, leurs héros, sont toujours contre l'Angleterre. C'est pour ça qu'ils aiment bien les Français, parce que nous aussi on a fait de l'Angleterre notre meilleure ennemie. Retrouver leur indépendance est donc une aspiration un peu romantique, "enfin débarrassés de l'envahisseur".

Economie

Pétrole:
L'Ecosse possède, de par sa situation géographique, des gisements de pétrole en Mer du Nord. Les revenus générés par cette manne sont redistribués à la Grande-Bretagne dans son ensemble. Les indépendantistes avaient l'intention de conserver ces revenus pour la seule Ecosse.

Monnaie:
La livre sterling est la monnaie de toute la Grande-Bretagne. En devenant indépendante, l'Ecosse devait choisir une nouvelle monnaie. L'idée de passer à l'Euro a d'abord été évoquée, mais la solution retenue aurait été de garder la livre.

Politique

Sans rentrer dans les détails, vu que je ne maîtrise pas vraiment le sujet, une Ecosse indépendante aurait eu le plein contrôle de toutes les décisions, ne dépendant plus de Westminster. En particulier, à un moment où la Sécurité Sociale britannique est en plein débat, voter "oui" est un moyen de dire qu'on veut garder le système solidaire qui existe, non le remettre en cause. 
L'Ecosse est également traditionnellement plus à gauche que le reste de la Grande Bretagne. Le vote pour l'indépendance a aussi été décrit comme une façon de se débarrasser de la droite pour de bon.

"Votez yes pour mettre fin au pouvoir des Tory" (=conservateurs)

Il existe déjà un parlement écossais, mais il aurait été plus indépendant. Alex Salmond est le "First Minister" écossais, mais pas le "Prime Minister" (qui est David Cameron). Une Ecosse indépendante aurait été un peu comme le Canada ou les pays du Commonwealth dont le chef d'Etat est toujours la Reine d'Angleterre, mais sans pouvoir réel.

Bon voilà c'est vraiment vite fait, mais c'est histoire de planter le décor.

Le vote



Le jeudi 18 septembre, les Ecossais se sont rendus dans les bureaux de vote.
Un jeudi, me direz-vous, c'est pas banal.
Eh bien en fait, si, complètement. En Grande-Bretagne, on vote le jeudi, c'est comme ça. Les bureaux de vote sont ouverts de 7h à 22h, ce qui donne à tout le monde, même à ceux qui travaillent, le temps de se rendre aux urnes. Il reste possible d'envoyer le bulletin de vote par la poste si vous ne pouvez pas être là (pas besoin de demander à quelqu'un de voter à votre place comme en France).

Les résultats ont commencé à fuser à partir d'1h30 du matin le vendredi 19, et vers 7h, David Cameron a pu remercier les partisans de l'Union : 55% ont voulu rester Britanniques, pour 45% de séparatistes. 
Le meilleur chiffre, toutefois, a été celui du taux de participation: 84,5% de la population en âge de voter s'est exprimé. Comme quoi, quand on a l'impression que voter sert à quelque chose, on se déplace!

Le résultat

Quand on détaille région par région, on voit que le oui était majoritaire dans seulement quatre d'entre elles:



Glasgow et les comtés environnants, ainsi que Dundee, ont voté oui.
Partout ailleurs, le non a triomphé avec plus ou moins d'écart.

Sans surprise, les régions frontalières avec l'Angleterre ont voté non de manière très marquée. Après tout, étant voisins, ils avaient sans doute plus à perdre que les autres si une rupture s'opérait.
Fait intéressant, les Shetland - archipel d'îles au nord de l'Ecosse, ont également été très décidément contre l'indépendance. Il faut dire que ces régions ont été longtemps rattachées à la Norvège. Ses habitants se sentent d'abord Shetlandais, puis Britanniques, mais finalement assez peu Ecossais.

Et maintenant?


Le gouvernement britannique a fait plein de promesse aux Ecossais pour les convaincre de rester dans l'union. Maintenant, c'est l'heure des comptes.

L'Ecosse va avoir plus de pouvoir sur ses propres affaires. L'accord prévoit de donner aussi plus de pouvoirs aux autres parties du Royaume Uni. Le Pays de Galles, par exemple, n'a pas son propre parlement contrairement à l'Ecosse: ça pourrait changer.

Mais ça veut aussi dire que l'Angleterre va avoir plus de pouvoir sur ses propres affaires, car aussi curieux qu'il y paraisse, les députés anglais ne peuvent pas voter au parlement écossais, mais des députés écossais siègent à Westminster.
La première décision de David Cameron a donc été d'annoncer que les députés écossais ne pourraient plus se prononcer sur les décisions ne portant que sur des affaires strictement anglaises - créant ainsi une marge d'indépendance pour l'Angleterre.
Or, comme on l'a vu, l'Ecosse apporte surtout des députés de gauche à la Grande Bretagne. Résultat, la population a la furieuse impression que David Cameron se débarrasse en douce de ses adversaires politiques à l'Assemblée. Et ça, ça ne passe pas très bien.

Et ce n'est que le début...



Tout ça pour dire que le refus d'indépendance de l'Ecosse ne revient pas à tout laisser en l'état. Au contraire, c'est le début de grandes négociations pour rééquilibrer l'organisation politique des pays du Royaume Uni. Un moment qui devrait être intéressant si les Ecossais restent aussi impliqués qu'ils l'ont été pour ce referendum.

En bonus !

Les suggestions plus ou moins fantaisistes pour le nouveau drapeau de Grande Bretagne si jamais l'Ecosse avait fait scission.


Vous savez sans doute comment le drapeau britannique est construit: c'est l'addition des drapeaux nationaux de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande.


Et le Pays de Galles dans tout ça...?


Du coup, un "Union Flag" sans Ecosse, forcément ça donnerait ça:



Mais bon quand même, ç'aurait été l'occasion de donner un peu de place au pays de Galles, non?

Le drapeau du pays de Galles est le suivant:


Du coup, le nouveau drapeau britannique aurait pu se transformer en ça:


Franchement, je trouve ça pas mal comme solution.

Mais les designers peuvent respirer, ils pourront continuer à faire original sans effort et sans rien changer!




God save the Queen!












29/06/2014

Cuppa tea, please!

L'Angleterre, tout le monde vous le dira, est le pays du thé.
Découverte dans les années 1600 par la classe dominante, cette boisson venue de Chine puis des Indes s'est popularisée en Grande-Bretagne beaucoup plus que dans les autres pays, où le thé reste une boisson qui évoque un univers feutré - d'ailleurs c'est encore beaucoup considéré comme une boisson "de femme". Mais pas en Angleterre.

En déménageant, j'ai emporté avec moi ma boîte à thés, pleine de différents breuvages : thé à la menthe, au jasmin, à la cerise, Earl Grey, Lady Grey... Je m'attendais à ce que ma collection soit redondante dans ce nouveau pays réputé pour son amour du thé.

Eh bien pas du tout.


Voici une photo prise dans la kitchenette de mon bureau. Vous voyez de grosses boîtes de café, du sucre, un coin de micro-ondes, et à droite, le gros sac avec un singe, c'est... oui oui, c'est bien ça, c'est un sac de sachets de thé. En quantité un peu industrielle, hein, il faut reconnaître, mais c'est pour le bureau, et on est quand même une vingtaine à l'étage. Mais enfin voilà, 1150 sachets de thé.

Quel genre de thé?
Ma foi, du thé noir, celui qui en France est vendu sous l'appellation "English Breakfast". Ici ça s'appelle juste tea.

Ca ne veut pas dire que c'est le seul type de thé qui est vendu en Angleterre : d'autres variétés, identiques à celles qu'on trouve en France, se trouvent dans le grandes surfaces, dans des rayons dont la taille est tout à fait comparable à ce qu'on trouve en France. Seulement, on appelle ça "Fruit tea" ou "Herbal tea", mais ce n'est pas LE thé.

Le thé, de quelque marque qu'il soit, c'est ce fameux Breakfast tea, en général consommé accompagné de lait et/ou de sucre (je ne suis vraiment pas couleur locale quand je le bois noir...)
J'ajoute que le thé n'est pas du tout une boisson de femme en Angleterre. Les ouvriers en prennent facilement pendant leur pause, ce qui a donné naissance à l'expression Builder's tea : le thé des ouvriers du bâtiment. Ce thé n'est pas servi dans des tasses délicates mais dans des mugs, et souvent plus infusé que la moyenne. Ca n'empêche pas de l'accompagner de sucre et/ou de lait.

Ma collègue Colleen nous raconte parfois comment, lors d'une importante réunion quand elle travaillait dans une banque, elle s'est préparé son thé comme d'habitude - sachet, eau, lait, sucre - a pris place à la table, et a littéralement craché son thé lorsqu'elle a bu la première gorgée. C'était du Earl Grey, et elle ne s'attendait pas à ce goût. Depuis elle déteste ce thé - qu'elle ne connaissait pas avant de toute façon.
Tout ça pour dire que, vraiment, tous les autres thés sont un peu exotiques et bizarre.

Voici une petite sélection de pubs pour le thé. Vous allez voir, ce n'est pas le même message qu'en France:

1. Yorkshire tea. Tout le monde s'arrête pour le thé (fierté nationale).

vidéo: cliquez ici

Le thé : tous les British s'entendent là-dessus!


2. PG Tips. "Put the kettle on" ("(je) mets la bouilloire en marche") est la phrase clef pour indiquer à quelqu'un qu'il est le bienvenue à la maison.

Vidéo: cliquez ici.
Le thé est ce qui rend la maison accueillante


3. Twinings - Lady Grey : A contrario, quand il s'agit de vendre un thé parfumé, on parle de son goût et de son côté distingué et précieux - "the art of tea"

Vidéo: cliquez ici.
Cette fois-ci l'accent est mis sur le goût et l'effet 

Une expérience...


La semaine dernière, j'étais en France, de manière très fugitive, pour un voyage d'affaire : décollage lundi matin, réunion mardi matin, retour en Angleterre mardi soir.
J'ai pu trouver un peu de temps pour faire quelques courses. J'ai donc acheté une boîte d'assortiment de thé, afin d'éduquer un peu mes malheureux collègues, qui ne prendraient sans doute pas le risque d'acheter une pleine boîte d'un thé bizarre.
Depuis, on vient me voir pour me dire "j'ai essayé le caramel aujourd'hui!" "Le thé à la menthe descend drôlement vite dis-donc!"
Je suis bien contente de moi!

Enfin, j'ai aussi profité de mon voyage en France pour faire une expérience. A la fin d'un repas, j'ai commandé du thé. J'ai dit "Je voudrais du thé s'il vous plaît". Et la personne m'a répondu "Euh oui quel genre de thé? Nous avons du Earl Grey, du thé au citron ou du thé à la menthe".

Bingo! En France, il n'y a vraiment pas de thé générique, j'avais bien raison!

Du coup, j'ai pris un thé au citron.


See you soon!